lundi 21 mai 2012

La politique est ailleurs


Ce mouvement de grève va finir par faire un mort.
Et moi, je ne suis pas de ceux qui croient qu'un martyr prouve quoi que ce soit. Bien sûr, les chances sont pour que ce mort survienne du côté des manifestants. Le mouvement recevra toute la sympathie populaire et c'en sera fait de Charest. Mais si c'était un policier?
Le gouvernement actuel est corrompu, décadent. La décadence est un symptôme de déliquescence du corps social qu'il concerne, mais il peut se propager. Puisque le mouvement démocratique d'opposition, les moyens pacifiques, n'ont pas suffit à faire reculer les Libéraux et leurs intérêts corporatistes, que faut-il faire? Se battre jusqu'à ce qu'on nous enferme, nous matraque, nous tue?
On ne se bat pas contre la maladie, contre la gangrène, pas plus qu'on argumente à son encontre. La seule chose raisonnable à faire, c'est de l'isoler. Il faut isoler ce gouvernement et tâcher de faire en sorte que la corruption ne s'étende pas au-delà.
Mais comment peut-on isoler un gouvernement qui tire à peu près tous les leviers importants de la société? Un repli vers des institutions saines et relativement indépendantes est possible. Il en reste: les réseaux communautaires, par exemple, sont à l'abri des dérives corporatistes. La politique municipale a de beaux restes, sauf à Montréal, qui n'est que restes.
J'entends déjà ceux qui dirons qu'il s'agit d'une forme de capitulation. Pas du tout. D'ailleurs, si vous gagnez et que le gouvernement recule, qu'allez-vous faire? Négocier avec des mafieux?
Non. Il faut attendre les élections, semer et cultiver une autre politique.

dimanche 13 mai 2012

Le règne de la médiocrité

Me voici vivant dans un petit village isolé de la Côte-Nord dont je tairai le nom, car les alertes Google de mes concitoyens auront vite fait de me retracer. Hors, j'ai besoin d'un espace pour dire des âneries. Peut-être aussi des méchancetés. En tout cas, quelque chose pour passer le temps sans que ma vie sociale en souffre.

Je sais mon blog n'est pas exactement sexy, je sais aussi que c'est d'un intérêt discutable que de se lancer dans un soliloque sur un quotidien pas toujours délirant. Je sais, je sais. Alors peut-être allons-nous parler de philosophie pour faire diversion à ce moi-moi-moi trop cru des confessions. Ah! Je déprime et j'angoisse, et l'alcoolisme a depuis longtemps consacré mon sacrificio del intelecto!

Une amie russe récemment arrivée à Montréal a publié un article intitulé « Lettre ouverte de remerciements au président de la fédération de Russie Vladimir Poutine ». C'est un texte très caustique dans lequel elle le félicite pour son nouveau mandat présidentiel et le remercie pour lui avoir donné une bonne carrière dans l'informatique, alors qu'elle se destinait à l'enseignement, une profession peu valorisée là-bas. Elle le remercie de lui avoir fait comprendre que tout est une affaire d'argent et qu'il faut révérer la stabilité. Ma compréhension du russe est limitée. Elle termine en disant « sans vous, nous n'aurions jamais osé aller nulle part ». « "Nous", ce sont les quelques centaines de milliers de russes qui formons la cinquième vague d'émigration, qui en votre honneur porte le nom "la poutinienne"! »

Ce texte a fait sensation là-bas et de milliers de gens se le sont relayé par les médias sociaux, et au moins un journal en a fait ses choux gras. Eh oui! Poutine est un motif suffisant de vouloir quitter le pays. Le machtpolitiker excède les jeunes Russes en mal de réformes, eux qui regardent avec cynisme le clan de Russie Unie diriger le pays avec une poignée d'oligarques.

Ce qui se passe là-bas jette une lumière sur ce qui se passe ici. Charest serait-il devenu un motif pour émigrer? Ne riez pas, je pose la question très sérieusement. Car nombreux sont les parallèles entre la situation Russie et ce qui se passe ici, en ce moment. Une poignée de jeunes suffoque sous le poids de la masse silencieuse qui appuie plus ou moins tacitement un gouvernement dont la corruption est avérée. Bien sûr, tout ici est plus cousiné, y compris les balles qu'on tire aux manifestants. Mais, pour en être plus confortable, notre politique n'en est pas moins délétère: on peut asphyxier quelqu'un avec un oreiller.

C'est même cette douilletterie et cette propension aux réactions épidermiques qui me pose problème. Car que se cache-t-il derrière tous ces « appels au calme », toutes ces « condamnation de la violence », ces hauts cris au « terrorisme » pour un peu de fumée dans le métro? Y aurait-t-il un malaise qui se donne des airs de vertu, parfois poussée jusqu'à l'hystérie?

Et encore: qui cherche-t-on à s'allier par la condamnation morale de la violence? Cui bono?

Ce gouvernement profite aux médiocres. Charest, cet éternel médiocre au sens ancien et nouveau du terme, un temps nécessaire au Québec pour son étonnante capacité de résilience, celui-là est aujourd'hui à la tête d'une médiocratie qui trouve ses appuis à tous les échelons de la société. Cette médiocratie, qui se gave de « la loi et l'ordre », qui rêve au « Québec inc. » et qui pense sincèrement qu'une bombe fumigène dans un métro constitue un acte de terrorisme, toute cette race moutonnière qui vivote dans le spectre du petit-bourgeois, ou dans l'ombre fraîche et moite de ce spectre, je le hais! Je ne vois pas comment on peut argumenter avec de pareils minables autrement qu'à coup de pieds! Alors condamner la violence? Mais c'est ça qui est intolérable, voilà le véritable attentat!

Alors, que nous reste-t-il? Émigrer!